« Au Cameroun, des jeunes filles perdent leur année scolaire à cause des menstrues » (Interview)

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«Briser le silence qui pèse sur les menstrues ». Tel est le thème de la causerie éducative organisée le 27 mars dernier au lycée d’Akwa de Douala par l’Ong Horizons Femmes. Journalducameroun.com a rencontré Marie Gabrielle Nga Ndo, la coordonnatrice du projet Gestion de l’hygiène menstruelle en milieu scolaire. Elle nous parle de son expérience de terrain et évoque des conséquences liées à une absence ou à une mauvaise éducation sexuelle.  

 

Journalducameroun.com : Quel est l’objectif du projet d’Horizons Femmes dans les établissements scolaires ?

Marie Gabrielle Nga Ndo : L’objectif phare de ce projet, c’est d’éviter à la jeune fille de manquer les classes parce qu’elle a des menstrues. Après les études que nous avons eu à mener, on s’est rendu compte que bon nombre d’échecs scolaires des jeunes filles découlaient du fait que pendant l’année scolaire, elle a accumulé  plusieurs heures d’absence en classe tout simplement parce qu’elle se trouvait à la veille de ses menstrues. Nous sommes venues à la rencontre des élèves du lycée d’Akwa aujourd’hui pour briser le silence qui pèse sur les menstrues et que ça ne soit plus un sujet tabou. Mais on doit avoir la possibilité d’en parler et ça ne doit pas seulement se limiter dans l’établissement scolaire. On doit pouvoir en parler à l’établissement, mais également dans nos ménages, parce que dans certains ménages, c’est un sujet totalement tabou. Car une fille ne peut pas dire, même à son propre frère qu’elle a ses menstrues. Et par moment, elle a de la peine à le dire même à sa propre maman.

 

Comment comprendre cette attitude de la jeune fille?

Ce sont les parents qui ont cultivé cette frustration. Par contre, les choses auraient été différentes si les parents avaient inséré ce système éducatif dans la famille. C’est-à-dire qu’ils se disent qu’il y aura un moment où ils devront  appeler leur  fille et lui dire ‘’mon enfant tu es une fille. Tu grandis et à un certain moment tu devras avoir des menstrues et ça ne doit pas te faire peur. Tu ne dois pas être frustrée. Tu dois tout simplement comprendre que ça fait partir de ton développement. C’est tout à faire normal’’. Si tel était le cas, on devait pouvoir éviter beaucoup de situations.

De quelles situations parlez-vous ? Un exemple à titre d’illustration ?

Je prends le cas d’une jeune fille du lycée bilingue de Bonabéri qui a perdu toute une année scolaire parce qu’elle a eu ses menstrues. Elle a eu ses menstrues à l’âge de 11 ans pendant qu’elle faisait la classe de 5ème et ne sachant pas ce qui lui arrivait. Sa maman lui avait tout simplement dit que ça va finir. Mais grande était sa surprise le lendemain, lorsqu’elle se réveille et voit que les menstrues continuent. Elle a été traumatisée au point où, chaque fois que ses menstrues revenaient, pour elle c’était l’enfer ! Elle était malade. On a fait tous les hôpitaux avec elle. On a fait jusqu’au scanner et on a rien vu. Il a fallu qu’on l’amène à l’hôpital des sœurs. Ce sont des sœurs qui l’ont prise et ont commencé à causer avec elle. C’est à ce moment qu’elles se sont rendues compte qu’en fait, elle souffrait d’un traumatisme par rapport à ses menstrues, et là il était  tard parce qu’elle avait déjà perdu tout une année scolaire. C’est tout cela que nous voulons éviter, ce genre de situation. C’est pour cela que nous allons dans des établissements scolaires pour organiser des causeries éducatives avec des élèves.

 

Ce projet d’Horizon Femme couvre les régions du Littoral, du Centre et de l’Ouest. Qu’avez-vous observé lors de vos études et interventions sur le terrain ?

Pendant études, nous avons rencontré des jeunes filles qui n’utilisent pas de serviettes hygiéniques lorsqu’elles saignent. Une fille nous a dit à l’Ouest que, pour se garnir, elle utilise des feuilles mortes de bananier. Une autre a indiqué qu’elle ne dispose pas de serviettes hygiéniques. Et que, lorsqu’elle saigne, elle ne met pas de slip.  Elle emmène avec elle en classe, une éponge. Elle soulève sa robe et s’assoie sur le banc. Quand elle se relève, elle prend son éponge et essuie le sang sur le banc. C’est toutes ces choses qui nous ont fait comprendre qu’au sein des établissements scolaires, nos enfants ont besoin d’être éduqués. Ils ont besoin de savoir ce que c’est que les menstrues, ce que c’est que l’hygiène corporelle.

Qu’est-ce qui peut justifier qu’on en arrive  à une situation pareille ? De ce côté-là il n’existe pas de serviette hygiénique ?

De ce côté-là, il existe d’abord l’ignorance. Les parents n’éduquent pas assez leurs enfants sur la sexualité. Et par moment, ce n’est pas parce que les parents ne veulent pas, c’est parfois aussi que les parents n’ont pas cette éducation-là eux-mêmes. Ils sont dans l’ignorance totale. Parfois, une jeune fille s’en va chez sa maman pour lui dire que ses menstrues sont arrivées et sa maman est incapable de lui  expliquer réellement ce que c’est, parce qu’elle-même n’a pas de connaissances. Notre projet n’est pas fini. Il a connu une phase pilote et pour le moment il est arrêté. Mais il sera relancé dans les jours avenirs, et là nous voulons étendre l’éducation aux seins des familles. Parce qu’avec ce qu’on retrouve sur le terrain, on se rend compte qu’il faut également éduquer les parents.

Source : journalducameroun.com

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