Réunion régionale de plaidoyer : les forces vives de la région de l’Ouest se mobilisent pour l’accès des femmes à la terre.

Mettre en œuvre un projet pour favoriser l’accès des femmes à la terre revêt déjà un caractère innovant, réunir toutes les forces vives d’une région pour un plaidoyer taille XXL relève de l’inédit. Cet exploit a été réalisé par Horizons Femmes ce vendredi 28 juin à l’occasion de la tenue de la première rencontre régionale de plaidoyer, placée sous le patronage du Gouverneur de la Région de l’Ouest, dans le cadre du projet de « mobilisation communautaire et de plaidoyer pour la sauvegarde des droits fonciers des femmes et des veuves des régions du centre et de l’ouest Cameroun (Projet Femmes & Foncier ») mis en œuvre avec l’appui de African Women’s Development Fund (AWDF).

Autorités administratives, fonctionnaires du cadastre et des affaires foncières, autorités traditionnelles et religieuses, associations féminines, femmes bénéficiaires du projet, tous ont tenus à faire le déplacement ce vendredi pour dire un mot en faveur de l’accès des femmes à la propriété foncière. Plus de 300 personnes ont répondu favorablement à l’appel de Horizons Femmes à venir plaider la cause de la femme et de la veuve, sous l’égide du patron de la Région de l’Ouest, représenté à cette cérémonie par le gendarme des services de la région, l’inspecteur général.

Ce dernier a été accueilli d’entrée de jeu par le discours éloquent et fort en constats de la Présidente Exécutive de Horizons Femmes dans lequel elle ne manqua pas de relever des faits dignes d’intérêts et traduisant le paradoxe qui a poussé son association à s’intéresser à cette problématique. Selon Denise NGATCHOU, « la femme s’occupe très souvent de la terre mais n’en possède qu’une maigre portion ». Cet état de fait a poussé Horizons Femmes « à mettre sur pied le projet Femmes & Foncier, qui a reçu l’appui de AWDF ». Elle poursuit son propos en mettant en exergue les résultats probants obtenus après un an de mise en œuvre du projet. Ainsi, « 3000 personnes, dont 2074 femmes, ont été touchées par les causeries éducatives menées par 100 femmes leaders et parajuristes formés au début du projet ». Par ailleurs, « 3 titres fonciers ont déjà été obtenus sur 20 procédures engagées ». Si quelques résultats sont déjà visibles, le chemin à parcourir est encore long. C’est pour cette raison que l’association compte sur « les décideurs, les hommes et femmes d’influence, les détenteurs de pouvoir pour donner une efficacité et une visibilité concrètes à la question des droits fonciers des femmes ».

Discours Présidente exécutive de Horizons Femmes

Le décor ainsi planté par la présidente exécutive, parole a été donnée au représentant du Gouverneur pour marquer l’ouverture de la rencontre. Ouverture remarquable avec un discours des plus engagés. En effet, selon le représentant du gouverneur, « nos traditions sont malheureusement parmi les moins favorables à l’héritage en faveur des femmes, et donc de véritables entorses à leurs droits fonciers ». Cependant, l’espoir est permis puisque « la forte présence des autorités traditionnelles témoigne de leur disponibilité pour la recherche des voies et moyens pour une prise en compte de la femme dans la gestion du patrimoine coutumier ». Tout en rappelant que le « droit d’accès à la terre est un des droits fondamentaux de l’Homme », il souligne que « ce droit est reconnu sans discrimination aucune aux hommes et aux femmes » bien que dans la pratique on observe « une différence criarde malheureuse entre les détenteurs masculins du titre foncier et les détentrices féminines, avec 0,1% seulement de titres fonciers octroyés aux femmes dans la région de l’Ouest ». Ces constats amers ont permis à la plus haute autorité d’adresser des recommandations aux personnes intervenant dans le processus d’obtention du titre foncier. Il recommande ainsi que « les autorités administratives doivent accentuer la sensibilisation des femmes sur la nécessité de solliciter des terres à leur profit et leur faciliter les procédures y relatives ». Selon ses dires, « les autorités municipales doivent encourager et observer une discrimination positive en faveur des femmes ». « Les autorités traditionnelles et les chefs de famille doivent combattre toute discrimination basée sur le sexe dans l’octroi de l’héritage du patrimoine immobilier ».

Discours du représentant du Gouverneur

Les ovations et acclamations soulevées par ce discours témoignaient de la réalité vécue par les femmes au quotidien et de la volonté à faire évoluer les choses.

L’exposition des cas de viol des droits des femmes a permis aux fonctionnaires du cadastre et des affaires foncières, ainsi qu’aux sous-préfets présents, d’apporter des réponses claires relatives à la démarche légale à suivre pour l’obtention du titre foncier. Il est ainsi recommandé aux requérants de ne pas s’adresser aux « démarcheurs » vendeurs d’illusions pour les demandes de titres fonciers, mais bien de s’adresser directement aux services du sous-préfet sans intermédiaires, en dehors de Horizons Femmes, dans le cas échéant, qui joue le rôle de facilitateur et d’entremetteur entre les femmes et les autorités. La preuve a été apportée avec le témoignage d’une veuve de l’arrondissement de Foumban qui a déjà pu obtenir son titre foncier grâce à Horizons Femmes.

une bénéficiaire du titre foncier

Les autorités traditionnelles ont tenu à participer aux échanges en exposant leurs préoccupations quant à l’amélioration de leurs rôles de facilitateurs pour l’octroi des titres fonciers des femmes. Ils sont allés plus loin en s’engageant dans ce combat noble par la signature des lettres d’engagement ou encore par la demande d’un appui pour l’obtention des titres fonciers pour leurs épouses tel que ce fut le cas pour un chef de village dans le département de la Menoua qui souhaite octroyer des parcelles de terres à ses trois femmes et qui ne compte pas les laisser sans titres fonciers liées à ces terres.

contribution des chefs traditionnels

Chef de village dans la Menoua voulant les titres fonciers pour ses 3 épouses

4 heures sont vites passées, c’est dans une ambiance détendue mais studieuse que le représentant du Gouverneur a mis fin aux activités, non sans avoir promis d’étudier personnellement le cas de deux veuves en difficultés immédiatement après la rencontre. Comme quoi, le projet Femmes & Foncier fait bouger les lignes, jadis infranchissables.

Cédric NOUMBISSIE