
Thomas, un client de travailleuse de sexe et auteur de VBG témoigne : « J’étais un homme marié avec 4enfants, aujourd’hui je suis célibataire endurci parce que je portais main sur ma femme de façon continue. Du jour au lendemain, elle a dit que trop c’est trop et est partie. Aujourd’hui je souffre et je comprends vraiment grâce à Horizons Femmes que porter main sur la femme ne sert à rien. Je donnerai le conseil à quelqu’un aujourd’hui qui porte main sur sa femme d’aller à Horizons Femmes pour qu’on lui donne les conseils et de se ressaisir car la femme n’est pas un objet, c’est la mère de l’humanité. Je ne peux plus rentrer en arrière mais j’ai tiré beaucoup de leçons. »
Irène quant à elle affirme : « j’ai le VIH, mon mari était très impulsif et passait son temps à me bastonner. La conseillère Françoise a beaucoup parlé avec lui, ce qui fait que les choses s’améliorent un peu, il m’écoute et nous pouvons maintenant construire un projet ensemble ».
Thomas et Irène sont deux personnes qui ont pu bénéficier des activités du projet « Approche communautaire de l’accès aux services de la santé sexuelle et reproductive chez les partenaires des travailleuses de sexe (TS) et des femmes vivant avec le VIH (FVVIH) en vue de la prévention de nouvelles infections et de la réduction des Violences Basées sur le Genre (VBG) dans les villes de Yaoundé et Bafoussam », mis en œuvre par Horizons Femmes avec l’appui de Fondation de France jusqu’en mars 2021.
Bien qu’on ait enregistré de belles histoires telles que celles de Thomas et Irène, l’évaluation des actions engagées lors de cette initiative a permis de déceler les manquements dans l’offre de service de VBG et d’identifier ainsi les besoins de ces survivantes. De nombreux témoignages et constats recueillis lors des interventions sur le terrain révèlent que les travailleuses de sexe sont très souvent victimes de violences mais leur fréquence de dénonciation reste très faible, du fait d’une part de leur marginalisation sociale, de l’offre de prise en charge limitée des survivantes et d’autre part du fait des sanctions pénales qu’elles encourent. Par ailleurs, le milieu du travail de sexe est considéré comme un foyer de concentration du VIH. La prévalence au sein de cette communauté est de 24.5% (IBBS, 2018) comparativement à la population générale (3.4%) (CAMPHIA RESULTS, 2018).
Les violences à l’égard des travailleuses de sexe sont le fait de plusieurs facteurs. Tout d’abord, leurs lieux travail favorisent la perpétration des violences de tout type de la part des aubergistes, des « boys », des clients ou d’autres travailleuses de sexe. Aussi, le contexte légal ne leur est pas favorable puisque leur activité est réprimée par les articles 294 et 343 du code pénal camerounais. Cette disposition légale, sert de couverture à plusieurs actes de violences perpétrés à l’endroit des TS très souvent par les forces de maintien de l’ordre. Il est généralement question des arrestations ou de menace d’arrestation arbitraires, d’extorsion d’argent et de viol.
Par ailleurs les FVVIH ne sont pas exemptes de tels traitements notamment lors du partage de leur statut sérologique avec leurs partenaires. Sur plus de 339 FVVIH enregistrées dans la file active de Horizons Femmes (Bafoussam et Yaoundé), 141 (41,5%) de FVVIH sont victimes de VBG de la part de leurs conjoints ou de leurs partenaires. Malgré l’identification de ces cas et les actions menées par l’Association, la réponse demeure faible faute de moyens conséquents.
Fort de ces constats, Horizons Femmes a mis sur pied une nouvelle initiative toujours appuyée par Fondation de France et intitulée « Prévention et prise en charge des VBG et du VIH auprès des TS et des FVVIH à Yaoundé et Bafoussam ».
Le présent projet entend répondre à la demande d’appui psychologique, juridique et médical des TS et FVVIH victimes de VBG dans les villes de Bafoussam et Yaoundé.
Compte tenu du fait que la Violence Basée sur le Genre est considérée comme un grave problème de santé d’envergure internationale qui remet en cause les droits de Homme et les principes d’égalité des sexes, cette initiative entend impliquer les clients de TS, des aubergistes et des « boys » dans la prévention des VBG, la promotion de la santé sexuelle et reproductive , le dépistage des hépatites virales, le renforcement des capacités des survivantes sur la dénonciation, le renforcement des prestations de services sur la réponse aux VBG et la préservation de leur estime de soi, afin de transformer positivement les normes sociales néfastes qui perpétuent les inégalités entre les sexes et de promouvoir la santé et la sécurité des femmes et des filles.
Ainsi, d’avril 2021 à mars 2023, il est question de renforcer les capacités de 16 parties prenantes sur la prévention et la réponse aux VBG à Yaoundé et à Bafoussam ; de favoriser le changement de comportement d’au moins 6500 bénéficiaires dont 4000 hommes (clients des TS et partenaires des femmes vivant avec le VIH) à travers leur engagement dans les actions de prévention des violences; de promouvoir la protection des droits humains chez les travailleuses de sexe et les femmes vivant avec le VIH à travers l’accompagnement et la prise en charge psychologique, juridique d’au moins 25 survivantes; et la prise en charge médicale d’au moins 20 survivantes.
Améliorer le package des outils de lutte contre les VBG répond à la nécessité de renforcer les actions contre les VBG, d’impacter positivement la vie des TS et des FVVIH persécutées au quotidien telle que Irène et de transformer les auteurs de violence tels que Thomas en acteur de changement.
Cédric NOUMBISSIE – Horizons Femmes
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