JUGEMENT SUPPLETIF AU CAMEROUN : QU’EN EST-IL EXACTEMENT ?
Au Cameroun, l’établissement des actes d’état-civil est régi par l’ordonnance n⁰81/02 du 29 juin 1981 portant organisation de l’état civil et diverses dispositions relatives à l’état des personnes physiques. Certaines dispositions de cette ordonnance sont modifiées et complétées par la Loi n° 2011/011 du 6 mai 2011. Le premier acte d’état civil étant l’acte de naissance, nous nous intéresserons particulièrement à l’établissement des jugements supplétifs de l’acte de naissance.
Maman Marie est une mère de trois enfants qui vit à Bafia avec sa famille. Son fils ainé est sur le point de passer l’examen du CEP. Pour constituer son dossier, sa mère a besoin de son acte de naissance, qui n’a malheureusement jamais été établi pour cause d’ignorance de la loi.
Lors d’une descente de sensibilisation, les Comités pour l’Etat-Civil (COMEC) de Horizons Femmes ont rencontré Maman Marie et lui ont expliqué que malgré le fait qu’elle n’a pas établi l’acte de naissance de son enfant, les textes juridiques prévoient qu’elle a encore des moyens pour se rattraper, mais cela ne peut se faire que devant un tribunal. En effet, selon l’alinéa 1 de l’article 22 de l’ordonnance n⁰81/02, la rectification et la reconstitution des actes d’état civil ne peuvent être faites que par jugement supplétif.
Elle a également pu apprendre qu’on reconstitue l’acte en cas de perte, de destruction des registres ou lorsque la déclaration n’a pas pu être faite dans les délais prescrits par ladite ordonnance (al.2) ; et qu’on le rectifie lorsqu’il y a eu des erreurs qu’on n’a pas pu corriger au moment de l’établissement de l’acte (al.3).
Le jugement supplétif est donc ce jugement qui est rendu par un tribunal et qui permet de faire un acte à une personne qui n’a jamais fait ou à une personne qui a perdu son acte ou qui veut rectifier une erreur commise sur son acte.
Les COMEC ont aussi pu expliquer à maman Marie que, selon l’alinéa 1 de l’article 23, pour rectifier ou reconstituer l’acte de naissance de son fils, elle doit faire une demande à la juridiction compétente dans le ressort de laquelle se trouve le centre de d’état civil où l’acte a été ou aurait dû être établi. C’est-à-dire que maman Marie doit adresser une demande au tribunal de première instance ou au tribunal de grande instance de Bafia, qui est la ville où son fils est né. Elle ne peut pas adresser cette demande au tribunal de Makénéné par exemple, parce que ce n’est pas le lieu de naissance de son fils. Sur la demande, on trouve les informations suivantes : les noms et prénoms du requérant, les noms, prénoms, filiation, date et lieu de naissance de la personne concernée par la rectification ou la reconstitution de l’acte de naissance, les motifs détaillés justifiant la rectification ou la reconstitution, les noms, prénoms, âge et résidence des témoins, le centre d’état civil où l’acte a été ou aurait dû être dressé. La demande est accompagnée de quelques pièces jointes à savoir un certificat d’âge apparent délivré par un médecin agréé, une attestation de non inscription au registre d’état civil, délivré par l’officier d’état civil dans le cas de l’expiration du délai de déclaration, une attestation d’existence de souche dans le cas de la perte de l’original ou d’une erreur sur celui-ci ; un certificat de non existence de souche.
Une fois que maman Marie a saisi le tribunal, le parquet doit procéder aux enquêtes pour s’assurer : qu’il n’existe pas déjà pour la même personne un autre acte civil de même nature ; que les témoins présentés par le requérant sont susceptibles d’avoir assisté effectivement à la naissance qu’ils attestent, soit d’en détenir les preuves ; que le jugement supplétif sollicité n’aura pas pour effet un changement frauduleux de nom, de prénom, filiation, date de naissance. Cette enquête n’est pas obligatoire pour les mineurs de moins de 15 ans (art. 24).
A la fin de la procédure, maman Marie peut se rendre à l’état civil indiqué muni d’un jugement supplétif sous la forme d’une grosse afin que l’officier d’état civil établisse ledit acte
Pour éviter tous ces tracas à ces enfants déjà mariés, maman Marie a décidé de les sensibiliser sur l’importance d’établir l’acte de naissance dans les délais prescrits pas la loi. Elle s’est donc engagée dans le projet de promotion de l’accès aux actes d’état civil à tous dans trois départements de la Région du Centre Cameroun mis en œuvre par Horizons Femmes et partie du Programme de Citoyenneté Active financé par l’Union Européenne.
Cédric NOUMBISSIE – Horizons Femmes