LE GROUPE DE PAROLE: UNE THERAPIE D’ACCOMPAGNEMENT DES PERSONNES VULNERABLES

« Lorsque en 2018 j’ai ouvert l’enveloppe contenant les résultats de mon test VIH, mon monde a basculé à cet instant précis : moi, Tracy, belle, pimpante, le teint de l’heure, à peine 25 ans, sidéenne !! Non ce n’était pas vrai. Crier pour que cette boule dans la gorge sorte m’a dépassée. J’ai senti le sol se dérober sous mes pieds pourtant j’étais assise. Je me rappelle la case manager lead a pris ma main dans les tiennes puis m’a dit : « crie ma fille ! » Sentir la chaleur de ses mains m’a apaisée. Petit à petit la boule s’est estompée et en silence j’ai pleuré.

Après que je me sois calmée, elle m’a demandée comment je me sentais et m’a fait comprendre qu’être séropositive n’était pas une fatalité : « si tu suis les indications du médecin et prend bien tes ARV, tu peux vivre encore très longtemps » me rassura-t-elle. Elle a continué en me disant que plusieurs personnes sont dans ma situation et se réunissent lors d’un groupe de parole pour un partage d’expérience, je pouvais me joindre à eux si j’étais d’accord.

J’avais besoin de me sentir dans un espace où je serais comprise, j’avais besoin d’écouter comment les autres vivent avec cette maladie « de la honte » comme on dit souvent. Alors j’ai accepté.

Tous, nous avons raconté notre histoire. Je me suis rendue compte qu’il y avait beaucoup de jeunes et la majorité se sentait très à l’aise, parlait sans gêne et avec confiance. J’ai attentivement écouté trois dames, qui avaient pratiquement vécues toute leur vie avec la maladie, parler de leurs enfants séronégatifs : elles suivent leur traitement normalement et leur charge virale est indétectable depuis près de 15 ans.

L’expérience a été si bonne que je participais à tous les groupes de parole désormais.
Cela m’a permis d’intégrer que ce que j’ai pu éprouver, ce que je ressens, est normal et légitime. J’ai compris qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réaction face à l’annonce d’une maladie incurable malgré que l’on puisse vivre avec. J’ai compris aussi qu’être soutenue dans un moment difficile de sa vie vous donne les ailes, facilite la guérison, cultive en vous la résilience et vous stimule. Aujourd’hui je vis avec mon fiancé qui lui est séronégatif et il connait mon statut. Nous avons une fille qui elle aussi est séronégative.

Participer à ces groupes de parole à Horizons Femmes m’a redonné le courage et la force de vivre. Je marche la tête haute et je n’ai plus honte d’être séropositive. » Raconte Tracy au cours d’un groupe de parole organisé par l’association Horizons Femmes dans le cadre du projet Community HIV/AIDS Investment for Longer and Healthier Lives (CHILL) financé par le Gouvernement Américain à travers l’USAID/PEPFAR et coordonné par l’ONG Care and Health Program (CHP) au Cameroun.

Comme Tracy, plusieurs personnes meurent à petit feu du fait de la solitude, la stigmatisation, la discrimination et pour cause, elles sont séropositives ou traversent des moments difficiles.

Le groupe de parole est une pratique psychothérapeutique qui prend la forme d’un espace d’échanges et d’écoute entre plusieurs personnes. C’est un espace dédié à toutes ces personnes qui sont d’une manière ou d’une autre liés par leur statut, une situation de la vie ou leur profession. Les participants peuvent s’exprimer librement, sans être jugé et se sentir soutenu, l’objectif étant simplement de trouver une oreille attentive et respectueuse, qui permettra de lâcher-prise. Comme Mouctar Keïta le disait « un bon soutien moral apporte mille lumières de satisfaction à une âme en souffrance. »

Andréa MANDENG